Enersquid est une plateforme digitale de simulation énergétique à destination des industriels et des territoires. Elle permet de modéliser gratuitement de nombreuses technologies de production, de conversion et de stockage de l’énergie. Son objectif est d’estimer les différents indicateurs techniques, environnementaux et économiques d’un micro-réseaux multi-énergies. La multiplicité des vecteurs énergétiques utilisés (électricité, chaleur, méthane et hydrogène) constitue un point crucial de la démarche, afin que cet outil puisse être adapté à la grande majorité des usages. Cet outil se place à une échelle macroscopique et calcule les ordres de grandeur des indicateurs clés d’un projet. Il permet par exemple de comparer rapidement le coût de l’énergie et le contenu carbone de deux configurations énergétiques pour sélectionner la plus pertinente. Les alarmes générées sont des informations importantes pour affiner la modélisation. Enfin, les données de fonctionnement du projet peuvent être affichées sur le graphique interactif. Ces résultats devront permettre à l’utilisateur de modifier le dimensionnement des installations pour augmenter la disponibilité, baisser le contenu carbone et le coût de l’énergie par exemple. Nous présentons dans les parties suivantes nos méthodes de modélisation, de façon à permettre aux utilisateurs de mieux comprendre notre simulation énergétique.

I.Définition d’un projet

L’utilisateur est tout d’abord invité à donner un nom à son projet et de lui ajouter une rapide description. Trois données projet sont ensuite demandées :
  • La durée de vie (années), qui doit être adaptée par rapport à la durée de vie des technologies utilisées. Si cette durée est trop faible, l’investissement initial sera amorti sur une durée trop courte, et le coût de l’énergie sera plus élevé.
  • Le taux d’actualisation (%), qui permet de comparer les flux financiers des différentes années du projet
  • Le taux d’inflation (%), qui représente la hausse moyenne des prix d’une année à l’autre
  • Le choix de la devise. Les taux appliqués sont rafraichis tous les jours sur le site de la Banque Centrale Européenne.

II.Choix des technologies

L’utilisateur doit avant tout centrer la carte sur la position géographique du projet. Ce cadrage peut être fait soit en zoomant sur la carte, soit en entrant l’adresse du projet ou les coordonnées GPS (latitude ; longitude) dans la barre de recherche. Il s’agit ensuite de sélectionner, de placer, puis de paramétrer les technologies du projet. La simulation ne peut être lancée que lorsqu’au moins une consommation et une production sont ajoutées à la carte. Par ailleurs, si une technologie est placée à plus de 1000km des autres, il est demandé à l’utilisateur de la rapprocher. Les technologies modélisées par Enersquid se trouvent dans une des catégories suivantes :
  • Les consommations, représentant une charge énergétique à satisfaire
  • Les productions, divisées en deux sous-catégories : les productions pilotables et les productions non pilotables
  • Les stockages, qui permettent de stocker l’énergie sous une forme particulière
  • Les convertisseurs, nécessaire à la transformation de l’énergie d’un vecteur en un autre
A chacune de ces catégories sont associées des caractéristiques technico-économiques ainsi qu’un ou plusieurs vecteurs énergétiques. On peut en distinguer cinq :
  • L’électricité, sans distinction de la nature continue ou alternative, ni du voltage
  • L’énergie thermique basse température, pour des températures inférieures à 100°C
  • L’énergie thermique haute température, pour des températures supérieures à 100°C
  • Le méthane (CH4)
  • L’hydrogène (H2)
Les vecteurs énergétiques sont identifiés par le cercle de couleur qui entoure le symbole des technologies.

Figure 1 : Exemple de configuration énergétique, pour répondre à aux besoins électriques et thermiques de la ville de Nouméa

Lorsqu’une technologie est ajoutée sur la carte, des valeurs par défaut sont proposées mais elles restent modifiables par l’utilisateur. L’utilisateur a la possibilité de changer le nom de la technologie, pour pouvoir distinguer deux technologies de panneaux solaires photovoltaïques par exemple. Attention, un maximum de 15 technologies peut être ajouté sur la carte. Les indicateurs suivants sont génériques et sont demandés pour la majorité des technologies :
  • La puissance ou la capacité installée.
  • CAPEX, soit la somme d’argent à investir pour construire et installer la technologie. Dans le modèle, on fait l’hypothèse que cette somme est proportionnelle à la puissance ou capacité installée.
  • OPEX, soit les frais fixes et variables imputés lors de la durée de vie du projet. Les OPEX fixes sont imputés tous les ans, alors que les OPEX variables dépendent de la quantité d’énergie produite. Remarque : les coûts donc sont en général proportionnels à la puissance/capacité installée ou à l’énergie produite.
  • Le contenu carbone, soit la quantité de CO2 émise par kWh d’énergie produite.
  • Durée de vie, soit la durée de vie de la technologie. Si cette dernière n’est pas en fin de vie à la fin du projet, on considère alors qu’on peut en tirer une valeur résiduelle. Cette valeur correspond à Formula 1
  • Emprise au sol, la surface au sol occupée par la technologie.
Les indicateurs spécifiques à chaque technologie sont définis dans les parties suivantes.

A.Consommations

Une consommation énergétique est définie par :
  • Le vecteur énergétique consommé
  • Son profil horaire type sur un an. Il provient soit à partir d’un profil type (Résidentiel, Industriel, Commercial, Tertiaire) normalisé par l’énergie totale consommée sur un an, soit d’un fichier csv chargé sur la page web. Dans ce dernier cas, la première colonne est constituée des consommations horaires sur un an, soit 8760 valeurs. Remarque : Les virgules doivent alors être remplacées par des points.
La simulation énergétique a pour objectif de satisfaire cette consommation à partir des différentes technologies. Elle explorera par exemple les différentes combinaisons de production et de convertisseurs pour produire un vecteur énergétique particulier.

B.Productions non pilotables

Par définition, une production non pilotable ne pourra pas être influencée en fonction de la demande en énergie. La production d’une technologie non pilotable est donc un paramètre indépendant de la modélisation et il est possible de l’estimer avant la simulation. Les technologies suivantes sont considérées comme non pilotables dans la simulation :
  • Les panneaux solaires photovoltaïques et thermiques
  • Les éoliennes
  • L’hydraulique au fil de l’eau
  • La chaleur fatale industrielle
  • La géothermie
  • Les centrales de méthanisation
Si l’utilisateur souhaite modéliser une technologie particulière n’apparaissant pas dans la liste ci-dessus, il est possible d’ajouter une « Technologie non pilotable personnalisée » à la carte. Pour chacune des technologies, deux cas sont possibles :
  • Soit l’utilisateur a accès à une année type de production de sa technologie. Il peut dans ce cas la charger manuellement au travers du paramètre « Profil horaire ».
  • Lorsqu’aucun fichier n’est chargé, la simulation estime d’elle-même la production énergétique associée. Dans le cas du solaire et de l’éolien, une base de données ainsi qu’un modèle physique permet d’effectuer ce calcul. Dans les autres cas, on considère que la production est constante et égale à la puissance crête entrée par l’utilisateur.
Dans le cas de l’éolien et du solaire, il faut noter que les données sur la ressources solaire et éoliennes proviennent de la NASA. Calcul de la production solaire Les ressources sont évaluées à partir des données suivantes :
  • Les données en clarté du ciel au pas journalier d’une résolution de 0.5° en latitude et longitude.
  • Les données en température au pas mensuel d’une résolution de 0.5° en latitude et longitude.
Ces deux jeux de données proviennent tous les deux de la NASA. A partir d’un historique d’environ vingt ans, un TMY « Typical Meteorological Year » est constitué par concaténation des mois médians.

Figure 2 : Génération de données horaires d'irradiance horizontale, pour un indice de clarté kt = 0,6

La méthode suivie pour la synthèse horaire de l’irradiance au sol a été développée par V.A. Graham et K.G.T Hollands [2]. Elle permet de décomposer l’indice de clarté horaire du ciel en la somme de deux paramètres :
  • L’un dépendant essentiellement de l’indice de clarté moyen sur la journée, et de la masse d’air traversée par les rayons du soleil,
  • L’autre étant une série aléatoire auto corrélée.
Une nouvelle synthèse à lieu pour chaque centrale solaire ajoutée. Deux centrales solaires identiques situées au même emplacement peuvent donc produire une quantité d’électricité légèrement différente. Il faut ensuite transposer l’irradiance horizontale au niveau du sol, à celle reçue par le panneau. Pour cela la corrélation de Erbs et al. (1982) permet de déterminer la valeur du rayonnement diffus. Le modèle HDKR (Hay, Davies, Klucher, Reindl) décompose la valeur diffuse de l’irradiance en trois composantes : une partie isotrope provenant de l’ensemble du ciel de façon homogène, une partie circumsolaire, provenant de la direction du soleil, et enfin une partie réfléchie par le sol (albédo). Les ombrages ne sont pas intégrés au modèle. Dans le cas d’une centrale avec trackers mono axe horizontaux, les panneaux sont orientés de façon à minimiser l’angle d’incidence du rayonnement direct. La production solaire se calcule de la façon suivante :
Formula 2
Formula 3
  • Pnom, la puissance crête installée (kWc)
  • PR, le ratio de performance (%)
  • GTI, le rayonnement solaire incident (W/m²)
  • GSTC, le rayonnement solaire standard, soit 1000 W/m²
  • α, le coefficient de dépendance à la température de -0.41%/K
  • T, température du panneau solaire (°C)
  • TSTC, Température en condition standard de 25°C
Calcul de la production éolienne Les données utilisées par les modèles sont les données mensuelles de vitesses du vent à 50m au-dessus du sol. Elles sont synthétisées au pas horaire en utilisant une méthode utilisée par le laboratoire américain NREL (National Renewable Energy Laboratory). Cette méthode décompose la vitesse horaire du vent en deux termes :
  • Un profil sinusoïdal de période une journée, présentant un pic à 15h,
  • Une variable aléatoire auto corrélée.
La distribution du vent est ensuite transformée en une distribution de Weibull.

Figure 3 : Distribution de Weibull

Figure 4 : Production d'une éolienne de 1.5MWc en fonction de la vitesse du vent

Le profil logarithmique du vent est ensuite utilisé pour déduire la vitesse du vent au niveau du rotor de l’éolienne. La production éolienne est donc calculée à partir du profil ci-dessus. Remarque : Les productions éoliennes faisant intervenir un calcul stochastique, deux centrales identiques placées aux mêmes coordonnées produiront une quantité d’énergie sensiblement différente.

C.Productions pilotables

Les productions pilotables vont quant à elle être utilisées en fonction du besoin énergétique à un instant donné. On retrouve essentiellement deux types :
  • Les centrales, qui sont des unités de production faisant partie intégrale du projet. On retrouve notamment : les centrales électriques, hydrauliques, les chaudières, et les productions pilotables personnalisés.
  • Les réseaux, qui peuvent échanger de l’énergie avec le projet. Remarque : la capacité des réseaux n’est pas bornée, et les coûts de raccordement ne sont pas inclus dans le modèle financier.
Certaines centrales produisent un des cinq vecteurs énergétiques de la simulation en transformant un combustible. A chaque combustible est associé un Pouvoir Calorifique Inférieur (PCI) ainsi qu’un contenu carbone. Ces deux paramètres permettent de connaitre les quantités suivantes :
Formula 4
Formula 5
Avec m la masse de combustible consommé (kg), R le rendement entré par l’utilisateur (%), PCI le Pouvoir Calorifique Inférieur (kWh thermique/kg), C le contenu carbone (gCO2eq/kg). Le rendement énergétique est donc constant et ne varie pas en fonction de l’appel de puissance de la centrale. Par ailleurs, une centrale peut être appelée entre la puissance nulle et sa puissance nominale. Pour le choix de chacun des combustibles, des valeurs tarifaires par défaut s’affichent. Les centrales hydrauliques ne consomment pas de combustible, et la simulation leur affectent un contenu carbone nul.

D.Stockage

Les technologies de stockage permettent de conserver un vecteur énergétique donné pendant une certaine durée. Elles sont notamment définies par leur :
  • Rendement (%), obtenu lors d’un cycle de charge puis de décharge
  • Autodécharge (%/h ou %/mois), soit la diminution de la quantité d’énergie stockée dans la batterie.
  • Temps caractéristique de décharge, soit le temps nécessaire à une décharge complète de la technologie. Cette information permet notamment d’estimer la puissance de l’installation.
Remarque : il n’y a pas de modèle de vieillissement des moyens de stockage.

E.Convertisseurs

Les convertisseurs permettent de transformer un vecteur énergétique en un autre. Ils sont modélisés en fonction des paramètres suivants :
  • Rendement (%), soit le rapport entre la quantité du vecteur A consommé et la quantité de vecteur B restituée. Il est possible que ce rendement soit supérieur à 100% : une pompe à chaleur peut consommer 1kWh d’électricité pour produire 4kWh de chaleur. Le rendement sera alors de 400%.
  • La possibilité de co-produire un second vecteur. Par exemple, une pile à combustible produit non seulement de l’électricité, mais aussi de la chaleur basse température. La simulation permet de valoriser cette co-production de chaleur.
  • Le rendement de co-production, soit la quantité du vecteur énergétique produit par unité du vecteur énergétique consommé.
Remarque : il n’y a pas de modèle de vieillissement des moyens de stockage.

III.La gestion de l'énergie

La simulation numérique est effectuée au pas horaire, sur un an, et pour chaque pas de temps, il faut déterminer :
  • Les productions non pilotables
  • La mobilisation des productions pilotables, des réseaux, des moyens de stockage, des convertisseurs énergétiques
  • Les consommations énergétiques effectivement réalisées
L’objectif de la simulation est de satisfaire la demande en énergie en mobilisant les différentes technologies mise à disposition. Elle vise également à consommer localement l’énergie issue des sources non pilotables et d’optimiser l’appel des productions pilotables, des convertisseurs ainsi que des moyens de stockage. L’algorithme mis au point permet une telle gestion énergétique. Exemple pédagogique : Dans le cas d’une modélisation comprenant des panneaux solaires photovoltaïques, des batteries, deux groupes électrogènes, l’algorithme appliquera les étapes de calcul suivantes :

Figure 5 : Etapes horaires de la modélisation, dans le cas d'un réseau isolé contenant panneaux solaires PV, batteries et deux groupes électrogènes

IV.Les résultats du projet

A.Indicateurs technico-économiques

La simulation permet de calculer certains indicateurs clés du projet, qui sont calculés de la façon suivante :
Formula 6
Formula 7
  • N la durée de vie du projet (années)
  • ac le taux d’actualisation corrigé de l’inflation (%), qui s’exprime en fonction du taux d’actualisation a (%), et de l’inflation i (%) comme : Formula 8
  • C(t) la somme des coûts de l’année t (€) comprenant CAPEX, OPEX variables, OPEX fixes et coût de combustible. Les technologies dont la durée de vie est inférieure à N, sont renouvelées à leur fin de vie et on impute à nouveau la valeur du CAPEX.
  • V(t), la valorisation des technologies en fin projet, dont la durée de vie est de de V années, et R le nombre d’années résiduelles. Formula 9
  • E(t) la somme des énergies consommées à l’année t (kWh)
Formula 10
Formula 11
Formula 12
Formula 13
Les pertes réseaux (%) sont la moyenne des pertes joules (lignes de transport d’électricité) et des pertes thermiques haute et basse température. Les pertes de la simulation constituent un ordre de grandeur de première approximation et dépendent de la distance moyenne entre productions et consommations, pondérée par la puissance des installations. L’emprise au sol et sur toiture (m²), soit la surface totale occupée par les technologies.

B.Alarmes

Plusieurs alarmes peuvent être générées par la simulation :
  • Les technologies qui n’ont pas été utilisées lors de la simulation sont listées.
  • Les technologies dont la durée de vie n’est pas adaptée au projet, lorsque l’espérance de vie d’une technologie est supérieure à la durée du projet.
  • Les heures de l’année présentant un risque d’instabilité électrique. Elles correspondent aux cas ou l’inégalité suivante est satisfaite : Formula 14
    • NP la puissance instantanée non pilotable
    • P la puissance instantanée pilotable
    • Pstockage électrique, la puissance nominale des moyens de stockage électrique
  • Les cas où une technologie est trop éloignée du projet (>1000 km).
Il est conseillé de prendre en compte les alarmes envoyées pour les résoudre avant de s’attacher aux résultats de la simulation.

C.Courbes interactives

Afin d’étudier la production et la gestion énergétique du projet, une courbe interactive est mise à disposition de l’utilisateur. Elle permet d’afficher les variables d’état du projet à tout moment d’une année de fonctionnement classique. Sur la droite, l’utilisateur peut sélectionner les paramètres d’états qui l’intéresse. Il peut ensuite modifier à sa guise la fenêtre ainsi que la résolution temporelle souhaitée.

V.Références

[1] J.A. Duffie and W.A. Beckman, Solar Engineering of Thermal Processes

[2] V.A. Graham and K.G.T Hollands, A method to generate synthetic hourly solar radiations globally (1990)

[3] Erbs DG, Klein SA, Duffie JA, Estimation of the diffuse radiation fraction for hourly, daily, and monthly-average global radiation, Solar Energy

[4] NREL, Generating synthetic wind data,
https://www.homerenergy.com/products/pro/docs/3.11/generating_synthetic_wind_data.html